Armand entendit son réveil qui ne cessait de sonner. Un bruit insupportable qui résonnait dans son crâne comme des cloches à l'intérieur de sa caboche. Il avait la gueule de bois, et comme toujours dans ces moments là, il se disait qu'il ne toucherait plus jamais à une seule goutte d'alcool de sa vie. Cette bonne résolution ne tenait jamais plus d'une heure ou deux. Il avait les cheveux ébouriffés, et eut beaucoup de mal à se lever. Il regarda dans son lit. Il y trainait un string. Il se demandait à qui il appartenait. Il ne se souvenait en tout cas aucunement de sa nuit. Il se redressa et se dirigea vers la salle de bain. Là, il se regarda dans la glace. Il voyait face à lui un homme de grande taille avec une barbe bien entretenue, pas trop épaisse, mais suffisamment présente pour lui donner cet air viril qui plaisait beaucoup aux femmes. Ses yeux bleus apportait de la douceur et du charme à un visage qui aurait pu paraitre trop sévère sans cela. Son torse nu était puissant sans pour autant être exagérément musclé. Il aimait beaucoup sa carrure, il en imposait, et c'était la partie qu'il préférait de son corps, même si ses conquêtes lui avaient plutôt parler de ses fesses fermes et douces à la fois. Il s'arracha à la contemplation du miroir, n'étant pas un homme du genre précieux. Il prit une douche rapide, s'habilla rapidement et alla s'installer dans son salon. Il remarqua un livre de photo qu'il alla consulter.

Armand ne repensait pas souvent à son passé, mais les photos qu'il regardait fit remonter quelques souvenirs. Il y avait des photos de quand il était enfant. Son père était Serbe, et sa mère Croate. On ne les appelait pas ainsi à l'époque, mais maintenant, c'est comme cela qu'on les aurait désignés. Une union qui avait poussé le jeune couple à fuir leur pays. Ils avaient décidés que leur fils serait français à part entière, et pour l'intégrer parfaitement, ils ne lui apprirent rien de leurs cultures, ou de leur langue. Il tomba ensuite sur des photos de classe. Il se souvint surtout des filles avec qui il avait couché plus que des camarades qu'il avait pu avoir. Il faut dire qu'il n'avait jamais été très bavard et qu'il avait peu d'amis, déjà à l'époque. Sa scolarité se passa sans encombre. Ni brillante, ni catastrophique. Puis il découvrit le rugby et commença à jouer de plus en plus sérieusement. Il fit sport étude, devenant un grand espoir pour le rugby français. Cela le sculpta un peu plus, mais ne changea pas grand chose à sa popularité. Qui connait les joueurs de rugby de son école ou de son pays? Pas grand monde. S'il avait été footballeur, cela aurait surement été différent. Mais peu lui importait, il avait trouvé sa voix et deviendrait rugbyman professionnel.

Après avoir passé son bac, il fut recruté par le RCT, le Rugby Club Toulonais. Il gagnait bien sa vie sans pour autant qu'il ne soit très médiatisé. Il intégrera même l'équipe de France, mais sera toujours remplaçant. Car il faut le reconnaitre, Armand était bon, mais ne faisait pas parmi des meilleurs qui étaient titulaires. Malgré ses efforts, il n'arrivait pas à passer le cap qui aurait fait de lui un joueur indiscutable dans l'équipe nationale. Se rendant compte qu'il n'avait tout simplement pas assez de talent pour ça, il commença à boire et les troisièmes mi-temps devinrent de plus en plus agitées. Il donna même un coup de poing à son entraineur lors d'une beuverie qui avait finit en orgie. La sanction fut irrévocable, il fut viré du club. Il se retrouva sans travail, sans véritable perspective d'avenir. Il obtint un petit boulot en tant que videur de boite de nuit. C'est ainsi qu'il fera la connaissance d'Annie, celle qui allait devenir sa femme l'espace d'une courte année. Annie ne supportait plus de voir Armand se saouler à longueur de journée, se montrant parfois violent avec elle. Son divorce lui couta beaucoup d'argent. C'est alors qu'il se mit à emprunter pour pouvoir jouer aux courses et parier sur les chevaux. Mauvaise idée car il perdait souvent. Il commença à avoir beaucoup de dettes et dû parfois faire de sales boulots pour les éponger. Parfois usurier, parfois vigile. Un soir, il fit la rencontre de Gabriel qui le reconnut. Fan de rugby, il se décida finalement à proposer un travail de garde du corps à l'ancien sportif. La carrure imposante d'Armand, ainsi que son allure servirait la cause du Vanilla Club. Ce dernier n'ayant aucune perspective d'avenir accepta l'offre.

Armand reposa le livre de photo de famille puis se redressa et alla dans son atelier. Il regardait sa dernière toile en date. La peinture lui avait permis de s'extérioriser. C'était sa mère qui lui avait apprit comment peindre. Quand il regardait ses toiles, c'était une part de lui qu'il voyait. Il pouvait lire dan les lignes de pinceaux son caractère fougueux et impétueux. Dans ce rouge carmin, il pouvait voir son tempérament passionné au sang chaud. Dans cette figure de femme, il voyait son gout pour la gente féminine et pour les plaisirs de la chair. Il pouvait également voir ses échecs personnels, et son gout de l'autodestruction. L'alcool n'ayant pas aidé à ce niveau là. Puis il se détourna du canevas se souvenant comme si c'était hier de ce responsable de galerie qui lui avait dit que ses croutes ne seraient jamais affichées dans un musée ou une galerie d'art. Qu'il devait se faire une raison et faire autre chose. Armand savait qu'il n'était pas un génie de la peinture, mais il aurait aimé qu'on le respecte. Il donna donc un coup de tête au conservateur, se faisant interdire l'accès au Louvre. Il chassa ces souvenirs de ses pensées puis mit son costume noir impeccablement taillé et se dirigea au Vanilla Club, pour aller faire son travail.